Faire des grandes rivières avec des petits ruisseaux
Faire de grandes rivières avec des petits ruisseaux
Telle est la clé du transport, au-delà même du transport ferroviaire. Nul opérateur n'y échappe. Seule l'échelle du problème différencie le transport routier du transport ferroviaire.
Tout transporteur routier cherche à remplir le contenu de ses camions. Quand ses clients ne lui remettent pas des charges complètes, il les constitue lui-même en regroupant plusieurs envois. Il en va exactement de même pour le transport ferroviaire, si ce n'est qu'il lui faut massifier 20, voire 50 fois plus que le transport routier, puisque ce sont des trains et non des camions qu'il faut remplir. Or les clients du transport ferroviaire ne remettent presque jamais de charges aussi complètes, c'est à dire des envois correspondant à des vrais trains complets, massifs et réguliers, sur lesquels plus aucune intervention de regroupement de trafics ne serait nécessaire. Les seuls cas existants se comptent en dix millième du marché du transport européen.
Pour que le transport ferroviaire se développe, il est donc indispensable qu'existe un mécanisme industriel de massification des flux, qui porte au niveau requis la massification que le marché donne pas par lui-même.
Le système de production des transports par wagons isolés (la messagerie ferroviaire, ainsi qu'elle a été rebaptisée) donne une bonne image du mécanisme de massification utilisé. Il est vrai que la dénomination de wagon isolé est peu heureuse, mais elle suggère assez bien que l’on assemble des flux, les uns avec les autres, pour créer artificiellement la masse utile. Ce que l'on sait moins, est que le système de production des trains complets ressemble comme deux gouttes d'eau à celui des wagons isolés, car la massification est loin d'être achevée une fois que les clients ont remis des trains complets au départ.
Mais cette approche technique par grands systèmes de production n'explique en rien comment les petits ruisseaux font, économiquement, les grandes rivières. Elle livre certes des résultats économiques sur des grands agrégats, mais elle n'explique pas comment on parvient très concrètement à ces résultats. Elle ne dit rien de la logique à laquelle l'assemblage de flux doit continûment répondre pour être économiquement vertueux. Elle en dit encore moins sur le mécanisme industriel, à plusieurs étages, qui sous-tend cette logique.
Aussi est-ce par une approche centrée sur l'économie que nous décrirons le fonctionnement du fret ferroviaire. Elle ne renie pas l'approche par grand système de production, elle l'englobe, tout en en minorant in fine l'intérêt. Elle tourne autour de la notion de création de valeur [40].
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[40] Cf. Annexe 3 : Créer de la valeur
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