Et maintenant? délivrer les métiers
Ni l’intensité de la concurrence, ni la cherté du coût du travail, n’expliquent l’agonie de Fret SNCF de manière convaincante. Le contraste est saisissant entre la France et l'Allemagne: avec une concurrence plus intense et un coût du travail voisin de celui de Fret SNCF, DB Schenker Rail se porte bien, ses concurrents sont toniques, alors que Fret SNCF se meurt, et avec elle, l'ensemble du fret ferroviaire en France.
Ce qui se profile ne va pas dans le sens d'une transformation industrielle de fond. Il n'est plus question aujourd'hui que de conditionner l’avenir du fret ferroviaire, et ce qui s'y attache de politiques de développement durable, à l’évolution des rapports sociaux chez SNCF, via la mise en place d'une convention collective commune aux entreprises de fret ferroviaire. La productivité intrinsèque du travail et du capital ne semble toujours pas être à l'ordre du jour, comme si l'optimum avait été atteint en cette matière. Non par manque de courage, mais par incapacité à penser et à faire.
Il convient de poser les termes de l'alternative et de comparer sérieusement les enjeux.
Rappelons d'abord que la concurrence la plus redoutable n'a jamais cessé d'être celle de la route. Or les conditions théorique d’emploi dans le transport routier sont, par définition, exclues d'un accord de branche touchant au ferroviaire.
Mesurons ensuite que si le coût des cheminots SNCF, grâce à de nouvelles dispositions touchant à l'organisation du travail, venait facialement à beaucoup baisser, le rendement net de cette mesure resterait néanmoins faible: SNCF ne saurait en effet en tirer parti que dans quelques cas particuliers. Certes, elle se remettrait en selle sur le marché, étroit et hautement disputé, des point à point massifs et réguliers, soit à peine la moitié des trafics d'aujourd'hui. Mais à défaut de maitriser correctement ses processus de création de valeur, SNCF ne saurait rien faire de cet avantage pour l'immensité des trafics normalement à la portée d'une entreprise de réseau. Le fret ferroviaire n'en sortirait pas grandi.
Ce gain minime doit être mis en regard des 30% de gains, accessibles sur un périmètre de trafic triple, que l'on peut attendre, toutes choses étant égales par ailleurs, d'une reconfiguration complète des mécanismes industriels de création de valeur de SNCF.
Malheureusement, dix ans ne seront pas de trop pour délivrer complètement les métiers naturels de la gangue dont ils sont prisonniers [27] . Tel fut le calendrier de DB. L'urgence de la situation ne le comprimera pas chez SNCF. Mais en attendant le rétablissement économique complet de SNCF, au moins le transport ferroviaire sera t-il enfin remis en ligne avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. A terme, l'opérateur historique de réseau gagnera normalement sa vie. Les opérateurs alternatifs y trouveront leur compte.
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[27] Cf. Annexe 8 : De la carte au territoire: reconfigurer les processus
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