Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Et maintenant? délivrer les métiers

12 Juin 2014 , Rédigé par Patrick Charpentier Publié dans #Savoir

Et maintenant? délivrer les métiers

 Ni l’intensité de la concurrence, ni la cherté du coût du travail, n’expliquent l’agonie de Fret SNCF de manière convaincante. Le contraste est saisissant entre la France et l'Allemagne: avec une concurrence plus intense et un coût du travail voisin de celui de Fret SNCF, DB Schenker Rail se porte bien, ses concurrents sont toniques, alors que Fret SNCF se meurt, et avec elle, l'ensemble du fret ferroviaire en France.

Ce qui se profile ne va pas dans le sens d'une transformation industrielle de fond. Il n'est plus question aujourd'hui que de conditionner l’avenir du fret ferroviaire, et ce qui s'y attache de politiques de développement durable, à l’évolution des rapports sociaux chez SNCF, via la mise en place d'une convention collective commune aux entreprises de fret ferroviaire. La productivité intrinsèque du travail et du capital ne semble toujours pas être à l'ordre du jour, comme si l'optimum avait été atteint en cette matière. Non par manque de courage, mais par incapacité à penser et à faire.

Il convient de poser les termes de l'alternative et de comparer sérieusement les enjeux.

Rappelons d'abord que la concurrence la plus redoutable n'a jamais cessé d'être celle de la route. Or les conditions théorique d’emploi dans le transport routier sont, par définition, exclues d'un accord de branche touchant au ferroviaire.

Mesurons ensuite que si le coût des cheminots SNCF, grâce à de nouvelles dispositions touchant à l'organisation du travail, venait facialement à beaucoup baisser, le rendement net de cette mesure resterait néanmoins faible: SNCF ne saurait en effet en tirer parti que dans quelques cas particuliers. Certes, elle se remettrait en selle sur le marché, étroit et hautement disputé, des point à point massifs et réguliers, soit à peine la moitié des trafics d'aujourd'hui. Mais à défaut de maitriser correctement ses processus de création de valeur, SNCF ne saurait rien faire de cet avantage pour l'immensité des trafics normalement à la portée d'une entreprise de réseau. Le fret ferroviaire n'en sortirait pas grandi.

Ce  gain minime doit être mis en regard des 30% de gains,   accessibles sur un périmètre de trafic triple, que l'on peut attendre, toutes choses étant égales par ailleurs, d'une reconfiguration complète des mécanismes industriels de création de valeur de SNCF.

Malheureusement,  dix ans ne seront pas de trop pour délivrer complètement les métiers naturels de la gangue dont ils sont prisonniers [27] . Tel fut le calendrier de DB. L'urgence de la situation ne le comprimera pas chez SNCF. Mais en attendant le rétablissement  économique complet de SNCF, au moins le transport ferroviaire sera t-il enfin remis en ligne avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. A terme, l'opérateur historique de réseau gagnera normalement sa vie. Les opérateurs alternatifs y trouveront leur compte.

______________________

[27] Cf. Annexe 8 :  De la carte au territoire: reconfigurer les processus 

 _____________________________                                

Partager cet article

Commenter cet article

J
D'où viennent ces 30% de productivité? Certes 3% par ci, 5% par là, ok. Mais c'est une affirmation, ca n'est pas une démonstration. Le Fret SNCF est coutumier de projets bâtis sur l'idée partagée que comme ca ne peut pas être pire, ça sera forcément mieux. Et qui à la fin se révèlent désastreux.
Répondre
P
vous avez peut être raison de dire que la voie industrielle est plus efficace que la voie (anti)sociale. Mais c'est très théorique. car dans les deux cas, ça conduira à une impasse. Voir la grève sur la réforme du système ferroviaire.La SNCF ne changera décidément jamais.
Répondre
G
10 ans encore après 15 ans de changements ratés. C'est peut être vrai techniquement. Mais la SNCF et le fret seront morts avant. Dans les années 90, la DB a fait sa révolution.. Elle a mis dix ans, soit. Mais nous sommes 20 ans après. Entre temps il y a eu internet, Google, Facebook, open data, etc. Il n'y a aucune raison que les 10 ans des années 90 valent 10 ans des années 2010.
Répondre
J
Si la modification du régime de travail est un coup d'épée dans l'eau tant que le côté industriel n'est pas retravaillé, en est il de même des progrès technologique (trains de 1500 m, wagons à 120 km/h, etc)? A quel périmètre de trafic s'appliqueront ces avancées? Périmètre large ou cas particuliers là encore? Et dans quels délais?
Répondre
M
La grève qui se déroule en ce moment même autour de la réforme ferroviaire du gouvernement montre bien que les syndicats se mobilisent aussi sur le fret, qui est souvent donné en exemple des effets néfastes de la libéralisation: un trafic divisé par deux ou trois en dix ans. Mais vous vous l'attribuez moins à la libéralisation qu'au conservatisme des patrons de la SNCF, incapables de se projeter dans une vision modernisée du fret. N'y a t-il pas un peu des deux?
Répondre