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De l'ambition à l'effondrement

17 Mars 2014 , Rédigé par Patrick Charpentier Publié dans #Savoir

De l'ambition à l'effondrement

Le développement du transport de marchandises par le rail est une attente forte de l'opinion. Principales bénéficiaires, les entreprises réclament une offre de transport ferroviaire de fret plus performante. Même les  transporteurs routiers, inquiets pour l'avenir de leur métier, se mettent parfois de la partie. A l'instar des instances européennes, le gouvernement français assure régulièrement de sa volonté d'aller dans ce sens. Il s'y est formellement engagé, fixant à l'occasion du Grenelle de l'environnement des objectifs ambitieux d'accroissement de part de marché.

En 2009, reconnaissant que la SNCF avait jusqu'à lors "manqué de détermination et de clairvoyance", le Président de la SNCF proclamait rien de moins que "La Révolution verte du fret". Il s'avançait sur un objectif chiffré.

"Ce que nous avons réussi pour les voyageurs, nous le faisons désormais pour les marchandises, [...] d'ici 8 ans, il y aura un million de camions de moins sur les routes ".

Le point de vue de Guillaume Pepy, Les Echos, 30 septembre 2009

Objectif en trompe l'œil au demeurant, très loin d'un rattrapage, puisque le trafic ferroviaire fuitait alors au ryhtme annuel de l'équivalent de 800 000 chargements par camion, sans compter que la route absorbait simultanément toute la croissance du marché du transport. Mais peu importe: au moins l'engagement en faveur du Fret ferroviaire était-il net.

Est-il besoin d'attendre le rendez-vous fixé pour juger du respect de l'engagement, alors que l'hémorragie de trafic continue manifestement  [2] ?

 

Doit-on se résoudre à entendre, une fois de plus, qu'on est seulement au creux de la vague, alors que tout démontre que l'on s'y noie?

En moins une décennie, le transport ferroviaire de marchandises de SNCF a pratiquement été divisé par trois. Clients, partenaires, citoyens, autorités publiques, cheminots, s'alarment ou se résignent.

A défaut du développement promis, d'aucuns auraient fait contre mauvaise fortune bon cœur, si cet effondrement avait au moins permis à Fret SNCF, ainsi que visé dans chacun de ses plans de redressement successifs, d'assainir ses fondamentaux économiques, avant de repartir plus fort à la conquête du marché.

Or, il n'en a rien été: annoncé en 2003 pour 2006, en 2006 pour 2009, en 2009 pour 2012, en 2010 pour 2013, en 2011 pour 2014, en 2012 pour 2015, en 2013 pour 2016, le rétablissement des comptes de Fret SNCF fuit comme l'horizon. Pire: rapporté à la tonne-kilomètre, le déficit s'est amplifié avec la chute du trafic.

Faute de progrès dans le cœur des métiers du transport ferroviaire et sans approche commune structurée, les recherches de synergies entre Fret SNCF et Geodis, au demeurant prometteuses, n'ont rien donné.

L'exfiltration des actifs de SNCF dans ses filiales a fait long feu: faute de transporteur ferroviaire performant, les locomotives et les wagons restent en garage et ne rapportent plus.

Le déficit de Fret SNCF ne se dilue plus dans les résultats de SNCF Geodis, il s'épanche sur SNCF. A force de déficits accumulés et d'investissements aventureux, 450 M€ de trésorerie ont été brûlés par SNCF chaque année depuis 10 ans pour son activité fret. La dette de Fret SNCF, proche de 4 Mds € représente désormais la moitié de celle de SNCF. Elle menace désormais les équilibres de SNCF toute entière.  

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[2] Le Grenelle de l’environnement prévoyait de porter de 14% en 2006 à 25% en 2022 la part de marché des modes de transports autres que la route. Or en 2012, la part du rail est tombée sous les 10%. Elle s'élève au double en Allemagne.

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E
Ne pas oublier que le fret était la grande affaire de la SNCF jusque dans les années 70, et que le trafic voyageurs y était considéré comme une activité de second ordre. Si le réseau TGV a pu se construire, c'est aussi parce qu'il s'est largement appuyé sur le cash dégagé par le fret. On ne va pas se plaindre du succès du TGV, mais un retour d'ascenseur, inscrit dans une politique publique, ne serait pas immérité.
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C
Arrêtez de rêver. cause perdue d'avance. Plus personne n'y croit à votre fret ferroviaire. L'Etat et la SNCF amusent la galerie, le temps que la bête se meure, sans trop de remous. L'écotaxe est bien suspendue, par contre le 44 tonnes est bien maintenu. Ca veut tout dire.
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A
26000 camions tous les jours, un tous les 70 mètres, c'est 1820 km de chaussée routière, soit 910 km de camions sur deux files ininterrompues, de Paris à Nice. Au prix du kilomètre d'autoroute (6 à 7 M€ par kilomètre, sans compter la traversée des grandes villes), c'est 5 à 6 milliards d'euros d'investissements en infrastructures routières. Une somme qu'il faut bien rajouter aux 4 milliards d'euros perdus par la SNCF. L'effondrement du fret ferroviaire, c'est déjà 10 milliards d'euros dans les compte publics. Et ce n'est pas fini!
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P
Après 40 ans à la SNCF dont 15 dans l'environnement du Fret ( contrôle qualité en fabrication et maintenance et dans la filiale FRANCE WAGONS, à ce jour ERMEWA, qui depuis 1993 a assuré une très bonne gestion patrimoniale du matériel qui appartenait à "personne" avant cette époque ) les difficultés du transport de Fret sont assez évidentes et simples à comprendre. Très forte baisse du transport lourd, massifs, minerais, charbon, métallurgie, pondéreux en tout genre , ect... Baisse de la "performance des wagons " par la dégradation du fait des clients et la suppression de plus de 3000 postes de terrain pour vérifier le bon état de fonctionnement à l'entrée et à la sortie des wagons sur les EP des clients. Les wagons hors services étaient généralement garés sans pour cela être réparé,. d'ou des insatisfactions grandissantes des clients sur la qualité du service. Ruptures de charges inhérentes au mode rail + route quasiment obilgatoire. Délais d'acheminement souvent perturbés, le Fret passera toujours après les voyageurs. Les multiples plans type "Véron", sans être péjoratif, sur celui ci, ect, ect, les invertissements très mal ou pas réfléchi. La construction d'une troisième voie type Fret sans caténaire le long des voies TGV, n'aurait pas posé de problèmes techniques, ni d'investissement environ 15 % de plus, sur wagons, de hauteur de gabarit d'ou la possibilité de mettre tous types de camions, des conteneurs pourquoi pas 2 en hauteur, sur des wagons spécialisés, pouvant relier Calais à Marseille et autres villes sur ligne TGV en une nuit. La volonté des gouvernements succesifs d'imposer la traversée du territoire pour toustcamions d'un tonnage "approprié", n'a jamais été franchement mise en application. On peut citer les anecdotiques autoroutes ferroviaires, Bettembourg - Le Boulou, Aiton - Orbassano, décidés pour faire "plaisir" à certaines composantes écologiques, et sous le lobbying du constructeur des wagons, dont les infrastructures au départ et à l'arrivée des convois sont complexes et incontournables. Le peu de camion empruntant ce mode de transport est toujours mieux que rien soit mais à quel prix ? Fréquentant parfois l'autoroute "du Nord" il conviendrait de construire une quatrième voie de circulation pour les véhicules des particuliers. On cause en France , on critique ceux qui font ce qu'il peuvent pour assurer un service "minimum" on "charge "la bête" SNCF sans rien connaitre ! il y a plus de wagons dit de " Particuliers" en circulation en France que de wagons dit "SNCF" Ne nous cachons pas les yeux chez les Allemands ECR , ça marche en France, en Espagne ( transfesa) et ailleurs aussi, ils sont là et c'est rentable ! mais c'est souvent mono-produit transporté sur un sillon précis. Alors on fait quoi en France ? (C'est pas le statut des cheminots qui est à la base des problèmes du Fret ! Si on me répond,aussi oui je vous répondrais que c'est le statut du cheminot qui a fait la réussite des TGV) . Un nouveau plan d'investissement de plusieurs milliards d' Euros ? Et ont les trouvent où c'est milliards, pas par des financements des lobby du poids lourds, constructeurs, réparateurs, fabriquants de pneumatiques, chauffeurs, et surtout des lobby des autoroutes ! Et Bruxelles !!...................... le Fret sera toujours anecdotique dans le paysage du transport français, dommage.
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M
C'est bien vrai qu'on voit de plus en plus de camions sur nos routes. Mais je ne comprends pas comment vous parvenez à calculer une évasion de 800000 camions supplémentaires au profit de la route chaque année. Le chiffre me semble énorme.
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P
Comparons 2012 à 2000: 58 Gtk (milliards de tonnes x kilomètres) en 2000 pour Fret SNCF, contre 21 Gtk en 2012, soit une perte de 37 Gtk .<br /> La distance d'un transport par fer est de 330 km en moyenne. Ce même transport, effectué en camion, serait plutôt de 300 km, le trajet étant plus direct par la route que par le rail. Par ailleurs, un camion est chargé en moyenne de 18 tonnes de marchandises. <br /> L'évasion de trafic de Fret SNCF équivaut donc à 6,85 millions de camions en 2012 par rapport à 2000. Autre façon de le dire: en 2012, circulent tous les jours 26000 camions de plus qu'en 2000, du fait de l'effondrement de Fret SNCF.